Berlin est actuellement célèbre à l'international pour deux choses (currywurst mise à part) : son engagement fort pour un cadre plus écologique, toujours heureux d'accueillir de nouveaux adeptes des vélos et des jardins potagers, et… ses clubs. La ville est une capitale très créative avec une vie nocturne renommée, offrant plus de trois cents lieux prêts à accueillir des millions de fêtards - touristes et Berlinois - chaque année.
La difficulté réside dans le fait que ce que propose la vie nocturne traditionnelle n'est pas toujours compatible avec les aspirations d'un mode de vie respectueux de l'environnement : elle a acquis une réputation éprouvée au fil des ans en matière de soirées, mais ses normes élevées peuvent également nécessiter des émissions de CO2 conséquentes et de gigantesques quantités de déchets. Par exemple, une boîte de nuit de taille moyenne a besoin d'environ 1000 kWh par week-end, ce qui équivaut à ce qu'un foyer normal consomme en une année. Et le total des soirées à Berlin s'élève à environ 30 tonnes de CO2 par an, sans même compter la pollution créée par l'absence de gestion des déchets. Ces chiffres gâchent la fête.
Néanmoins, Berlin s'est fixé pour objectif de devenir neutre en carbone d'ici 2050. Cela implique que les émissions de CO2 de la ville doivent être réduites de plus de quatre millions de tonnes (par rapport à l'année de référence 1990), ce qui représente 85 % de ses émissions. Cet objectif ambitieux signifie que chaque effort compte et que la scène club de la capitale et ses conséquences préoccupantes devraient être l'un des acteurs pleinement engagés pour y parvenir.
Espérons que de plus en plus de professionnels de la vie nocturne et de fêtards cherchent déjà à trouver des manières plus écologiques pour les clubs de Berlin. Cette prise de conscience pourrait en réalité être une excellente chose pour la promotion de la protection de l’environnement : la scène nocturne est traditionnellement un acteur important du changement social, comme elle l’a prouvé par le passé avec son engagement en faveur de la communauté LGBTQ+. Quelles sont donc les options pour Berlin afin de s'engager et de devenir plus durable même lorsqu'il est temps de se détendre et de célébrer ?
Une réputation écologique à défendre pour l'hôtel de ville de Berlin
Alors que Berlin est connue pour son hôtel de ville verdoyant et ses initiatives respectueuses du climat, le Département du Sénat pour l'environnement, les transports et la protection du climat a adopté un “Programme énergétique et de protection du climat de Berlin 2030” (BEK 2030) avec un budget supplémentaire dédié à la transition durable des clubs de la ville.
Dans le cadre de ce plan, la mairie a soutenu le lancement d'un label « Berlin Green Club » pour les acteurs montrant des efforts dans cette direction, ainsi qu'un concours pour les inciter à rivaliser pour les meilleures solutions écologiques. Ce programme a été complété par un projet de coopération appelé « Clubtopia », initié par Clubliebe e.V., le BUND (Amis de la Terre Berlin), la Clubcommission et plusieurs autres partenaires. En 2015, ce collectif a également publié le Green Club Guide pour fournir des orientations utiles aux établissements nocturnes afin de réduire leur empreinte carbone. Il a également participé aux Future Party Labs, le cycle de conférences qui a contribué à définir les principaux objectifs de la BEK.
Travaille dur (pour la durabilité), profite pleinement.
Il est important de dire que les propriétaires de clubs n'ont pas attendu que la mairie s'intéresse à ce type d'actions. L'initiative à but non lucratif Clubmob propose des consultations énergétiques gratuites et a déjà collaboré avec plusieurs clubs berlinois depuis sa création en 2011. Cette organisation analyse les besoins en électricité du club (éclairages, isolation, consommation d'électricité et d'eau, consommation de données, matériel électrique, etc.) et propose un plan pour réduire la facture. Elle organise ensuite des soirées pour financer la rénovation tout en sensibilisant les clubbers à la problématique de la durabilité. C'est un gagnant-gagnant pour les clubbers et la nature.
Depuis 2015, une autre initiative berlinoise Pop im Kiez Toolbox aide les clubs à monter à bord du train de la fête durable. Avec le soutien de Clubliebe e.V, elle a publié le Guide des Clubs Verts mentionné ci-dessus pour rendre tous les conseils facilement accessibles aux professionnels de la vie nocturne. Le Guide donne des conseils dans plusieurs domaines d'action : "Toilettes", "Bar & Comptoir", "Équipe", "Nettoyage & Déchets", "Conseils & Promotion", "Sol & Scène" et "Électricité & Chauffage".
Le Guide comprend des conseils sur le son, les lumières et les installations classiques (Crédit : Kiez Toolbox)[/caption] Par exemple, en ce qui concerne le bar, bien sûr, la bière est au cœur de toutes les conversations. Un exemple frappant : les réfrigérateurs en verre à porte vitrée ont l'air attrayant mais peuvent être remplacés par des réfrigérateurs plus économes en énergie, évidemment éloignés des tuyaux de chauffage ou de tout appareil chaud. Soutenir les bières artisanales locales de Berlin est également un atout, car cela réduit les émissions liées au transport et aide les entrepreneurs régionaux à prospérer. Et pour ceux qui préfèrent rester sobres, de l'eau potable de qualité et accessible comme celle de la Bucht de Rummel est la solution. Pour couronner le tout, pourquoi ne pas vendre des verres à un prix symbolique et faire des dons à des projets d'action climatique ?
Dans l'ensemble, les professionnels des clubs ont une préférence pour des actions liées à la consommation d'électricité. Les clubs réaménagent leurs fenêtres, installent des sources d'énergie verte, comme tout autre bâtiment, mais peuvent également compter sur des idées plutôt originales telles que la capture de l'électricité générée par l'énergie de la danse !
Les résultats sont très encourageants : quatorze clubs participants à l'indice Green Club qui ont appliqué certains des conseils mentionnés ci-dessus ont réalisé, sur une année, un total de 200 000 kWh d'économies d'électricité et 20 000 kWh d'économies de chaleur. Cela représente environ 51 000 €, ce qui est certainement suffisant pour inviter votre DJ préféré à jouer un set en ville (ou pour investir dans de nouveaux systèmes de chasse d'eau).
Que diriez-vous des festivals ?
Ces initiatives ne sont pas seulement importantes pour les clubs ouverts toute l'année, mais elles sont également très astucieuses à mettre en œuvre pour des festivals temporaires ou d'autres événements estivaux. Les festivals sont souvent associés à des océans de gobelets en plastique usagés, de canettes de bière, de mégots de cigarettes et de paillettes éparpillées. Par exemple, le plus grand festival d'Angleterre, Glastonbury, a rapporté en 2017 que 1,3 million de bouteilles en plastique avaient été vendues lors de cet événement d'une semaine.
Déposer des gobelets, des cendriers de poche et des bacs de recyclage partout a démocratisé et représente un bon point de départ. En ce qui concerne les émissions de CO₂, 80 % de celles-ci proviennent des transports vers et depuis l'événement. Elles peuvent donc être abordées dès le début du trajet vers le lieu, par exemple avec des incitations au covoiturage ou des réductions sur les transports en commun. L'électricité verte entre alors en jeu. De nombreuses autres actions liées aux produits proposés sur place (les produits locaux et/ou biologiques sont privilégiés) ou à l'hygiène peuvent être envisagées. Local est le mot-clé ici.
Les festivals ont déjà commencé leur métamorphose en matière de réduction des déchets (Crédit : Ecocup Québec)[/caption] Même des solutions autour des paillettes pourraient être explorées : comme tous les amateurs de festivals le savent, les paillettes font souvent partie des soirées et des événements d'été, sur le visage de tous les millennials prêts à rendre leur compte Instagram plus étincelant. Malheureusement, ces petites particules ne sont pas recyclables et demeurent très longtemps dans l'environnement, car elles sont généralement faites de plastique ou de métal, se dégradent très lentement et sont des micro-particules sur mesure qui s'infiltrent partout. Certaines entreprises proposent désormais des paillettes biodégradables, sans plastique, métaux lourds ni colorants toxiques. Cela peut sembler un détail, bien que brillant, mais les professionnels des événements festifs essaient de sensibiliser sur tous les fronts afin que Berlin soit célèbre pour sa politique respectueuse de la nature, ses clubs… et ses nuits vertes.
La communication est le début des actions.
Des actions concrètes sont essentielles, mais la communication sur leur importance est tout aussi cruciale. C'est pourquoi le Green Music Initiative, une plateforme qui crée un lien entre l'industrie du clubbing et les meilleures pratiques liées à la durabilité, est également engagée à participer à la transition écologique à travers des événements festifs thématiques. Cet acteur basé à Berlin organise régulièrement des soirées également destinées à sensibiliser autour de la transition écologique. Il a, par exemple, initié les Green Music Awards pour honorer les acteurs de l'industrie musicale et du divertissement ayant les initiatives les plus innovantes et durables.
La communication est d'autant plus importante qu'elle réconforte les individus de plus en plus impliqués dans le changement climatique et attirés par les événements écologiques. Le fait que des enfants d'école fassent grève ensemble ou que des citoyens ordinaires descendent dans la rue pour lutter pour le climat est le signe que les gens ressentent le besoin de s'unir autour de sujets qui leur tiennent à cœur - comme la planète sur laquelle ils s'amusent. Plus généralement, les humains ressentent l'urgence d'appartenir ensemble à travers des manifestations, des dîners, des célébrations religieuses, des rassemblements… et des fêtes, bien sûr. Cela signifie qu'un bon moyen de rassembler les gens autour d'une cause spécifique comme celle du climat est de créer des fêtes, des festivals de musique ou toute autre activité créative sur l'action climatique. Par où commencer ? Eh bien, il y a toujours votre salon, pour lequel nous avons créé une série de Playlists for the Planet auxquelles vous pouvez accéder et, qui sait, commencer une célébration pour la planète ? Cet article a été écrit par Marie Heinic, contributrice à Berlin pour Plan A. Crédits pour la photo de couverture : Michael Mayer.
